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Vivre après un cancer du sein : témoignage de Bettricia Otto

 

Bettricia (Trish) Otto est une survivante du cancer du sein. Elle a eu une enfance de rêve dans les Bermudes, au gré des délicieuses brises océaniques et à la faveur des eaux transparentes de l’Atlantique, avec la possibilité de vivre dehors chaque jour de l’année ou presque. Vrai garçon manqué, Trish s’est épanouie complètement au cœur de son environnement luxuriant. Son aspiration à une santé de fer et à une condition physique exceptionnelle, bien plus qu’un simple hobby, s’est transformée en un véritable mode de vie.

 

Pour Trish, la course à pied a toujours été une passion, mais lorsqu’on lui a diagnostiqué son cancer du sein en septembre 2011, elle a dû faire face une vérité à laquelle elle ne pouvait pas échapper d’une foulée. Ce qu’elle pensait du lien entre condition physique et maladie a été mis à rude épreuve : comment une personne qui a passé sa vie en si bonne forme peut-elle avoir un cancer du sein ?

 

 « J’ai eu des grosseurs à la poitrine toute ma vie. Adolescente déjà, je m’en suis inquiétée et mon médecin m’a envoyé vers un chirurgien, qui m’a dit qu’il ne s’agissait que de kystes qui finiraient par disparaître avec le temps. La seule personne (à ce que je sache) proche de moi qui ait eu un cancer du sein, c’est une tante. En 2009, comme mes grosseurs étaient toujours là, ma gynécologue-obstétricienne a décidé qu’il serait bien de faire une mammographie de contrôle. Si j’étais encore à mille lieues d’envisager le cancer du sein, je me suis dit que faire preuve de prudence ne pouvait pas faire de mal. Je me souviens que ma généraliste m’a ensuite demandé pourquoi je m’infligeais cela : pour elle, ça n’était pas nécessaire », explique Trish.

 

Lors d’un voyage pour trouver un appartement et une école pour sa fille Ariel à Portland, Oregon (en prévision d’un déménagement depuis Marshfield, Wisconsin), Trish découvre une grosseur au niveau de son sein droit : « J’en ai parlé à mon mari, qui m’a conseillé de consulter dès notre retour dans le Wisconsin. Et une fois rentrés, ça m’est complètement sorti de la tête. C’est lorsque Dan m’a posé la question que je m’en suis souvenue et que j’ai finalement pris rendez-vous avec ma gynécologue. »

 

« Elle n’a rien senti en me palpant,  mais elle m’a tout de même envoyée faire une mammographie. La mammographie n’a rien donné, mais un scanner permettrait d’éliminer toute suspicion, juste pour être sûre. Le scanner a indiqué une biopsie et le vendredi précédent le 1er mai, j’ai reçu le coup de téléphone. Même si toutes les survivantes du cancer du sein vous diront que l’attente est la partie la plus difficile à gérer, j’aurais préféré qu’ils attendent la fin des vacances pour m’annoncer la nouvelle.

 

Comme je suis podologue, je connaissais un certain nombre de personnes travaillant à la clinique dans le Wisconsin. J’ai d’abord contacté un radiologue, qui m’a conseillé d’aller consulter un cancérologue. J’ai également parlé avec un ami chirurgien esthétique pour discuter de la meilleure option : curage ganglionnaire, ablation partielle ou mastectomie totale. Mon ami m’a dit que j’avais une forme agressive de cancer du sein, et donc qu’une double mastectomie permettrait de repartir sur de bonnes bases. Sans atteinte ganglionnaire, la radiothérapie ne serait pas forcément nécessaire. Mon mari était avec moi dans la salle lorsque j’ai annoncé ma décision d’opter pour une mastectomie totale. Je me rappelle l’avoir vu acquiescer : me connaissant parfaitement, avec mon côté parano, il savait que si je n’avais pas choisi cette option, j’aurais passé mon temps à m’inquiéter ! »

 

Bien que l’IRM n’ait révélé aucune trace du cancer (tout avait été retiré lors de la biopsie, semblait-il), Trish a quand même voulu faire l’opération. Tout ce dont elle se souvient (ou a bien voulu entendre), c’est qu’il n’y avait aucune atteinte des ganglions et que les tissus environnants étaient sains. Une excellente nouvelle pour elle. À cause d’hématomes à répétition, Trish a tout de même dû subir trois opérations au total. Mais au final, tout ce qu’elle en retient, ce sont les bonnes nouvelles concernant les ganglions et les tissus sains. Elle s’est félicitée de ne pas avoir choisi de faire la chirurgie reconstructrice en même temps que l’ablation, parce que les hématomes auraient de fait été un réel problème.

 

« Le cancérologue était vraiment inquiet à cause de ces hématomes. Il m’a envoyée vers un hématologue pour voir si je n’avais pas un problème de coagulation, mais le test s’est révélé négatif. En tout cas, j’étais extrêmement fatiguée physiquement et je n’ai pas pu bouger du canapé pendant deux jours. Ils ont envisagé de me faire une transfusion sanguine, mais j’ai fini par être perfusée avec du Venofer, un mélange fer-saccharose qui a fait des miracles ! Des études montrent aujourd’hui que les coureurs à pied sont plus susceptibles d’être carencés en fer, ce qui pourrait expliquer mon problème. J’étais juste contente qu’il soit enfin résolu ! »

 

Trish et sa famille ont déménagé à Portland au début de sa chimiothérapie, débutée en octobre 2011, jusqu’en janvier 2012. Elle raconte : « J’ai fait toute ma chimio et je pense que cela m’a aidé à garder mon énergie, mais aussi à me sentir aussi normale que possible. J’ai essayé de rester relativement active, même juste après la mastectomie, parce que je savais que ça m’aiderait à surmonter cette épreuve. »

 

 Comme toutes les survivantes  ayant reçu un diagnostic qui bouleverse votre vie, Trish reconnaît avoir eu peur à certains moments : « Je me réveillais au milieu de la nuit, paniquée, en me demandant pourquoi. Je n’arrêtais pas de m’inquiéter en me disant que je n’allais peut-être pas voir grandir ma fille, âgée de quatre ans au moment du diagnostic, que ne pourrais pas être là pour elle quand elle serait grande. J’ai passé un certain nombre de nuits blanches et j’avais peur quasiment en permanence. Je pense que cela a été en partie dû aux traitements et aux stéroïdes. »

 

Trish pense qu’être elle-même médecin l’a aidée. En tant que survivante du cancer du sein, ce qu’elle a vécu lui a permis de mieux comprendre ce que les patients ressentent, et pour cela, elle est reconnaissante : « Même si ma spécialité en médecine n’a rien à voir avec le cancer, beaucoup de patients en cancérologie viennent me voir juste pour discuter. Ils sont impressionnés par ma capacité à me mettre à leur place, à comprendre ce qu’ils vivent. Mon vécu a également changé la manière avec laquelle je soigne mes patients aujourd’hui. Je comprends mieux ce que c’est d’avoir de multiples rendez-vous médicaux et de suivre de nombreux traitements. Je dois l’admettre, je suis parfois un peu agacée quand j’entends des gens se plaindre alors que tout va bien pour eux. Cela m’irrite plus qu’avant et je ne peux pas m’empêcher de penser que beaucoup de personnes en cancérologie seraient ravies d’avoir leur état de santé ! »

 

Trish avoue avoir chamboulé toute sa vie ou presque pour tenter de comprendre les causes de son cancer du sein : « Dans le cadre de mon travail, j’utilise un C-Arm, un appareil d’imagerie médicale à rayons X. Je me suis donc posé des questions. Mes tumeurs cancéreuses étaient situées dans mon sein droit, et il se trouve que j’ai reçu une grande quantité de rayons X dans cette zone quand j’étais jeune, lors d’examens pour une douleur à l’épaule droite. Je me suis demandé si ces rayons X à répétition n’avaient pas eu une incidence. Essayer de trouver des réponses peut vous rendre fou, je me suis donc efforcée de profiter de l’instant présent et de faire ce qu’il faut pour rester en bonne santé. Je mange davantage d’aliments bio pour éviter les pesticides, et plus du tout de plats préparés ; j’ai l’impression d’avoir un peu plus de contrôle, c’est déjà ça. »

 

« Avant mon cancer, j’étais extrêmement sportive. À tel point que je courais un semi-marathon quasiment tous les mois. Bien que l’activité physique soit très importante pour moi et qu’elle joue effectivement un rôle important dans notre santé, elle ne m’a pas empêché de développer un cancer triple négatif. Ce que j’essaie de dire, c’est qu’il ne sert à rien de se sentir coupable, parce que la maladie ne respecte aucune règle. »

 

Pour surmonter son diagnostic et trouver une solution contre la peur et la dépression à laquelle elle a parfois dû faire face, cette survivante du cancer du sein s’est engagée dans le programme de randonnée proposé par un organisme américain de lutte contre le cancer (Fred Hutchinson Cancer Research Center’s CLIMB to Fight Breast Cancer®). Elle est certaine que cette démarche a constitué un élément clé de sa guérison.

 

Grâce à ce programme, Trish a déjà conquis (ou conquerra bientôt) le mont Rainier, le mont Hood et le mont Saint Helens. L’une de ses partenaires de marche, Lynn, est une petite jeune de 71 ans qui a remporté trois victoires contre le cancer. Malgré ses métastases au niveau des os (actuellement en rémission), difficile de trouver quelqu’un d’aussi énergique et en aussi bonne forme physique que Lynn, s’émerveille Trish : « Elle est vraiment incroyable. Je suis quelqu’un qui adore les sensations fortes, mais Lynn, elle fait ça depuis qu’elle a 20 ans. Elle est vraiment impressionnante ! »

 

Pour se préparer à grimper des montagnes, cette survivante du cancer du sein fait de la course de fond et du trail. Et même avec le vertige, il est tout à fait clair pour elle que faire face à ses peurs et les dépasser lui apporte une plénitude qu’il serait difficile d’obtenir d’une autre manière.

 

« À cause de mon vertige, la randonnée a représenté un défi aussi bien physique que mental. Dans certains lieux d’entraînement (au pied du mont Hood), la pente était tellement raide que j’ai cru avoir une crise cardiaque lors des premières montées ! Mais après, tout s’est bien passé. Maintenant, je peux gravir ces pentes et mon cerveau comprend que ce n’est pas insurmontable.

 

« Sur le mont Saint Helens, j’ai été prise dans une tempête de neige : à cause de la réverbération du soleil sur la neige, ce furent les pires coups de soleil de toute ma vie. Les poussières de glace me cinglaient le visage et la visibilité était quasi inexistante. Lynn, qui faisait la randonnée avec moi, m’a demandé si je voulais faire demi-tour, et j’ai dit non. Elle m’a alors dit : “si tu peux survivre à une chimio, tu peux gravir cette montagne ! ” »

 

Trish sait très bien que toutes les survivantes du cancer du sein ne ressentiront pas le besoin (ou l’envie) de gravir une montagne, mais elle pense que lorsqu’on est mis face à un défi qui nous semble insurmontable, et que l’on se sent dépassé par les événements, il suffit de penser aux choses qui ont donné un sens à notre vie, que ce soit notre famille, nos objectifs, nos rêves, ou juste la volonté de surmonter ses peurs : si vous en faites votre cheval de bataille, alors le cancer perd de sa force.

 

À en juger par son témoignage, il semblerait bien que Trish Otto ait effectivement trouvé une stratégie aussi efficace contre le mal des montagnes que contre le cancer du sein !

 

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